7 novembre 2008

Le metteur en scène David Bobée nous livre ses impressions suscitées par les différents projets qu'il mène avec son groupe Rictus. Ils seront au lieu unique avec Cannibales du 18 au 21 novembre.

7 SEPTEMBRE,
Nous sommes à Roubaix pour un stage avec les acteurs de l'Oiseau Mouche, une compagnie d'acteurs professionnels qui a la particularité d'être des comédiens handicapés. C'est assez trash, assez violent pour nous de se confronter aussi brutalement au handicap. Ce qui est troublant c'est qu'ils produisent des scènes des impros souvent très belles ou drôles ou émouvantes sans toujours en avoir conscience. Presque malgré eux. Ca pose assez violemment la question de la responsabilité de l'acteur, de l'instrumentalisation du metteur en scène, du voyeurisme du spectateur. Nous essayons de trouver une place juste et respectueuse pour eux et surtout pour nous. Et là c'est l'éclate. Au final le boulot est passionnant. Cet atelier, c'est en fait l'occasion de rencontrer quatre acteurs qui viendront rejoindre les acteurs, danseurs et acrobates de la compagnie pour la création que nous ferons l'été prochain à Bussang, dans le super théâtre en bois perdu au fin fond des Vosges.

17 SEPTEMBRE,
Nous sommes à Maubeuge. Le Manège (la scène nationale) nous a proposé une résidence de 10 jours pour travailler la vidéo de Nos enfants nous font peur quand on les croise dans la rue la prochaine création de la compagnie sur le texte de Ronan Chéneau. Les capacités du studio vidéo sont incroyables. Nous en profitons pour travailler tout le visuel du spectacle : la scénographie et la lumière. Nous sommes là dans les gradins avec Babi-lumière, José-vidéo, Thomas-plateau en train de nous émerveiller de notre nouveau jouet. En général la scénographie est la première chose qui me vient lors de la création des spectacles. Là c'est le texte de Ronan qui était là en premier. Alors ça nous a pris du temps de penser cet espace. J'aime le résultat auquel nous sommes arrivés. C'est un espace neutre et froid comme je les aime. Un espace urbain, un hall d'attente tout en métal. Un espace d'aéroport, de gare, un centre de transit ou de rétention... Un peu tout ça à la fois. Le sol en métal gris, les murs immenses qui s'entrouvrent et se referment aussitôt, la grille-verrière-vidéo en fond de scène, le tapis roulant d'aéroport au lointain qui fera défiler pêle-mêle des bagages et des gens... Les possibilités de jeu sont grandes. Nous répéterons en décembre ce nouveau spectacle avec les acteurs de Rictus et quatre danseurs Congolais que j'ai rencontrés lors d'un voyage à Brazzaville avec Corinne-administratrice et Ronan. J'ai hâte que ça vive à l'intérieur de cette belle boite.

6 OCTOBRE,
Nous sommes à Paris, au théâtre de la Cité Internationale. Nous y jouons pour trois semaines le solo Dedans Dehors David. C'est Fanny (comédienne dans Fées) qui joue le personnage de David, un jeune chanteur à la mode type star-ac. Ce solo, exigeant pour le spectateur repose sur le texte perturbant de Dennis Cooper. C'est pour Fanny que j'ai voulu faire ce spectacle. J'adore le contraste entre son apparence androgyne de petite fille-petit garçon et la violence perverse qui émane d'elle. C'est un spectacle sur le trouble. Trouble identitaire, social, familial, sexuel, trouble dans le genre. Trouble visuel et auditif. La réception du public est belle et intelligente. Les critiques sortent. J'ai rencontré Dennis qui est venu voir le spectacle il y a deux jours. Ce mec est aussi doux et attentionné que ses textes sont hard-core. Là encore le contraste est amusant. C'est la troisième fois que nous présentons un spectacle ici. Après Fées et Cannibales, Nicole Gautier a voulu nous programmer une dernière fois avant son départ de la direction de la Cité. Je suis là, au bar du théâtre à boire bière sur bière avec la belle impression qu'une page se tourne. Fin d'une étape importante dans notre vie. Vivement la prochaine.
8 OCTOBRE,
Nous sommes à Marseille. En même temps que Dedans Dehors David se joue à Paris, nous donnons la performance "Warm" pour le festival Actoral. Nous sommes dans un grand hangar, le CREAC, lieu de répétition du cirque Archaos. Warm est une sorte d'installation lumière qu'on a pensé avec Babi pour Fred et Alex, deux acrobates main à main (porteur et voltigeur). L'idée étant de plonger leur duo corps à corps dans la chaleur. Les 120 projos s'allument et chauffent l'air. Il fait 50° sur le plateau, 35 dans la salle. Pour Warm, j'ai demandé à Ronan d'écrire un poème érotique pour Virginie-comédienne. Le truc c'est que là, en ce moment, elle est enceinte jusqu'aux yeux. Cela donne vraiment une drôle d'impression : les corps qui s'échauffent, le discours amoureux-érotique, la sueur, la chaleur, la lumière, les chairs qui se mélangent et le corps de Virginie en pleine mutation, en pleine fabrication de matière humaine. C'est étonnant d'un paramètre à l'autre comme le sens d'un spectacle peut changer.
A suivre…
David Bobee