25 novembre 2008

Du 18 au 22 novembre, nous avons accueilli le groupe Rictus avec le spectacle Cannibales, mis en scène par David Bobee et écrit par Ronan Chéneau, pour une semaine riche en rencontres, ateliers, lecture. Des instants intenses que nous avons envie de vous faire partager via notre blog.

Le mardi 18 à 18h30, le Café philo de Dominique Paquet autour de la question : Peut-on penser la décroissance ?, fait salle comble. Des militants pour une économie solidaire côtoient des profs, des étudiants et les habituels amateurs de philosophieComment gérer les ressources naturelles, comment mieux répartir les richesses ? Le modèle capitaliste est-il forcément synonyme de croissance économique ? L’homme doit-il repenser la notion de bien-être ? Toutes ces questions et bien d’autres sont soulevées durant 1h30 de réflexions riches et partagées.

Les mercredi 19 et jeudi 20 novembre après-midi, les élèves du conservatoire d’art dramatique de Nantes (2ème année) travaillent avec David Bobee dans le décor de Cannibales. Après un « training » - petit exercice d’échauffement physique, le premier mené par la comédienne et danseuse Séverine, le second par l’acrobate Nicolas – commence le travail de plateau. Parallèlement à cet atelier, David a offert aux étudiants la possibilité de participer en tant que « guest » au spectacle Cannibales. Chaque soir, trois heureux élus se mêlent sur scène aux comédiens et acrobates. Une expérience qu’ils n’espéraient pas et qu’ils vivent comme un cadeau de la compagnie. « Ca nous donne envie de nous taper l’incruste dans tous les spectacles de la saison », disent-ils ! Une idée à développer.



Pendant ce temps, le jeudi après-midi, Ronan Chéneau rencontre les étudiants du Lycée Léonard de Vinci à Montaigu. Ils ont vu le spectacle la veille et accueillent Ronan avec des applaudissements. Dans l’amphi, une centaine d’élèves assistent avec une ferveur et une attention soutenues à l’intervention de Ronan qui leur fait part avec une passion et une sincérité communicatives de sa place d’auteur dans la compagnie et de son étroite collaboration avec David. Il évoque leur rencontre, leur envie commune de faire un autre théâtre où le texte n’est pas au centre mais un élément de recherche, d’expérimentation au même titre que la scénographie, la lumière, la vidéo ou le jeu des comédiens et acrobates. Deux heures plus tard, les étudiants le quittent à regret et nous sommes invités à visiter les ateliers d’arts plastiques, d’infographie, de vidéo du lycée : une véritable ruche. Cette visite nous donne envie de retourner au lycée !Nous retrouverons les élèves en mars prochain lors du spectacle Nos enfants nous font peur quand on les croise dans la rue.

Vendredi 21 novembre10h30 : nous avons rendez-vous au Centre de détention d’Orvault. David, Clarisse, Séverine , Benjamin et Marc vont y interpréter une lecture/concert de Cannibales, à 12h30 dans la bibliothèque.
Petit à petit l’équipe prend possession des lieux :
- Ronan pioche des livres dans les rayons, les feuillette, lit quelques lignes
- David, Clarisse et Séverine, les comédiens, revoient le texte. Annotent, raturent leurs pages
- Rodolphe, le technicien, règle le son, installe deux projecteurs
- Plus tard, David dispose les chaises
- Les musiciens, Marc et Benjamin, s’accordent
- Françoise, qui coordonne les actions culturelles en prison, apporte du café…

12h30 : Une trentaine de détenus prennent place dans la bibliothèque. Françoise présente les comédiens et les musiciens et explique que Cannibales est présenté au lieu unique, dans une forme différente, plus spectaculaire. Clarisse débute la lecture et situe l’action en quelques mots. Alternent ensuite des passages lus, dont certains ne font pas partie du spectacle, et des morceaux musicaux. Dans ce contexte, les propos de Cannibales résonnent tout autrement. Grand silence, peu de réactions. La lecture/concert s’achève et aussitôt les applaudissements se font entendre, puis viennent tout de suite les questions, remarques, impressions. Un détenu fait allusion au livre de Georges Perec « Les choses » qu’il emprunte dans la foulée à la bibliothèque. Très vite, des petits groupes de discussion se forment. Le besoin d’échanger se fait sentir très fortement. Pour conclure, Ronan dédicace Fées et Cannibales avant de les offrir au centre de détention. Puis chacun retrouve sa réalité, son quotidien… Nous sortons, ils restent.

Vendredi soirDernière de Cannibales. On affiche complet. L’équipe commence à ressentir les effets de la fatigue. Ces derniers jours et nuits ont été denses ! Sitôt sortis de scène, les comédiens Clarisse et Yohann rejoignent les autres membres de « Cocktail » invités à se produire ce soir dans le bar pour un concert exceptionnel. Public conquis. C’est drôle, ça ne se prend pas au sérieux. Ils s’amusent à faire semblant et on aimerait bien pouvoir en faire autant !


7 novembre 2008

Le metteur en scène David Bobée nous livre ses impressions suscitées par les différents projets qu'il mène avec son groupe Rictus. Ils seront au lieu unique avec Cannibales du 18 au 21 novembre.

7 SEPTEMBRE,
Nous sommes à Roubaix pour un stage avec les acteurs de l'Oiseau Mouche, une compagnie d'acteurs professionnels qui a la particularité d'être des comédiens handicapés. C'est assez trash, assez violent pour nous de se confronter aussi brutalement au handicap. Ce qui est troublant c'est qu'ils produisent des scènes des impros souvent très belles ou drôles ou émouvantes sans toujours en avoir conscience. Presque malgré eux. Ca pose assez violemment la question de la responsabilité de l'acteur, de l'instrumentalisation du metteur en scène, du voyeurisme du spectateur. Nous essayons de trouver une place juste et respectueuse pour eux et surtout pour nous. Et là c'est l'éclate. Au final le boulot est passionnant. Cet atelier, c'est en fait l'occasion de rencontrer quatre acteurs qui viendront rejoindre les acteurs, danseurs et acrobates de la compagnie pour la création que nous ferons l'été prochain à Bussang, dans le super théâtre en bois perdu au fin fond des Vosges.

17 SEPTEMBRE,
Nous sommes à Maubeuge. Le Manège (la scène nationale) nous a proposé une résidence de 10 jours pour travailler la vidéo de Nos enfants nous font peur quand on les croise dans la rue la prochaine création de la compagnie sur le texte de Ronan Chéneau. Les capacités du studio vidéo sont incroyables. Nous en profitons pour travailler tout le visuel du spectacle : la scénographie et la lumière. Nous sommes là dans les gradins avec Babi-lumière, José-vidéo, Thomas-plateau en train de nous émerveiller de notre nouveau jouet. En général la scénographie est la première chose qui me vient lors de la création des spectacles. Là c'est le texte de Ronan qui était là en premier. Alors ça nous a pris du temps de penser cet espace. J'aime le résultat auquel nous sommes arrivés. C'est un espace neutre et froid comme je les aime. Un espace urbain, un hall d'attente tout en métal. Un espace d'aéroport, de gare, un centre de transit ou de rétention... Un peu tout ça à la fois. Le sol en métal gris, les murs immenses qui s'entrouvrent et se referment aussitôt, la grille-verrière-vidéo en fond de scène, le tapis roulant d'aéroport au lointain qui fera défiler pêle-mêle des bagages et des gens... Les possibilités de jeu sont grandes. Nous répéterons en décembre ce nouveau spectacle avec les acteurs de Rictus et quatre danseurs Congolais que j'ai rencontrés lors d'un voyage à Brazzaville avec Corinne-administratrice et Ronan. J'ai hâte que ça vive à l'intérieur de cette belle boite.

6 OCTOBRE,
Nous sommes à Paris, au théâtre de la Cité Internationale. Nous y jouons pour trois semaines le solo Dedans Dehors David. C'est Fanny (comédienne dans Fées) qui joue le personnage de David, un jeune chanteur à la mode type star-ac. Ce solo, exigeant pour le spectateur repose sur le texte perturbant de Dennis Cooper. C'est pour Fanny que j'ai voulu faire ce spectacle. J'adore le contraste entre son apparence androgyne de petite fille-petit garçon et la violence perverse qui émane d'elle. C'est un spectacle sur le trouble. Trouble identitaire, social, familial, sexuel, trouble dans le genre. Trouble visuel et auditif. La réception du public est belle et intelligente. Les critiques sortent. J'ai rencontré Dennis qui est venu voir le spectacle il y a deux jours. Ce mec est aussi doux et attentionné que ses textes sont hard-core. Là encore le contraste est amusant. C'est la troisième fois que nous présentons un spectacle ici. Après Fées et Cannibales, Nicole Gautier a voulu nous programmer une dernière fois avant son départ de la direction de la Cité. Je suis là, au bar du théâtre à boire bière sur bière avec la belle impression qu'une page se tourne. Fin d'une étape importante dans notre vie. Vivement la prochaine.
8 OCTOBRE,
Nous sommes à Marseille. En même temps que Dedans Dehors David se joue à Paris, nous donnons la performance "Warm" pour le festival Actoral. Nous sommes dans un grand hangar, le CREAC, lieu de répétition du cirque Archaos. Warm est une sorte d'installation lumière qu'on a pensé avec Babi pour Fred et Alex, deux acrobates main à main (porteur et voltigeur). L'idée étant de plonger leur duo corps à corps dans la chaleur. Les 120 projos s'allument et chauffent l'air. Il fait 50° sur le plateau, 35 dans la salle. Pour Warm, j'ai demandé à Ronan d'écrire un poème érotique pour Virginie-comédienne. Le truc c'est que là, en ce moment, elle est enceinte jusqu'aux yeux. Cela donne vraiment une drôle d'impression : les corps qui s'échauffent, le discours amoureux-érotique, la sueur, la chaleur, la lumière, les chairs qui se mélangent et le corps de Virginie en pleine mutation, en pleine fabrication de matière humaine. C'est étonnant d'un paramètre à l'autre comme le sens d'un spectacle peut changer.
A suivre…
David Bobee